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phénomènes une déviation plus ou moins considérable, aurait laissé les choses reprendre leur cours normal, il faut prouver que les conditions au sein desquelles s’est manifestée la vie ont été amenées, si haut que l’on remonte dans l’échelle des causes, par des circonstances purement physiques. Il ne suffirait pas d’une expérience de laboratoire pour démontrer l’origine physique de la vie, parce qu’il resterait à savoir si le monde physique peut, par lui-même, créer des conditions analogues à celles que pose l’expérimentateur intelligent.

Et la matière vivante, dont l’apparition doit être ainsi expliquée, n’est pas simplement tel ou tel produit organique non organisé, comme l’urée, les éthers, les sucres, les alcools, l’acide acétique, l’acide formique, etc. : c’est le corps actif simple, l’élément capable d’assimilation et de désassimilation, le protoplasma, lequel se crée une enveloppe et une forme, devient une cellule, se nourrit, se développe, produit d’autres cellules. Car il est manifeste que l’être vivant a la faculté de créer des produits qui ne sont pas vivants comme lui, et d’accomplir des actes en partie et même de tout point physiques ou mécaniques ; de même que le monde physique et chimique donne naissance à une multitude de phénomènes purement mécaniques. Une cause ne se retrouve pas nécessairement tout entière dans ses effets. S’il arrivait que le produit organique dont on aurait expliqué physiquement la naissance fût au nombre de ceux à la formation desquels la vie, comme telle, ne contribue pas, et qui ne sont qu’un contre-coup éloigné et purement mécanique de l’impulsion vitale, il serait illégitime d’étendre cette explication physique à tous les actes physiologiques sans exception.

Enfin, ces difficultés vaincues, il reste à montrer que, la cellule étant donnée, tous les êtres vivants sont implicitement donnés du même coup, c’est-à-dire qu’ils dérivent tous