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Cette hypothèse pourrait sembler gratuite si le mouvement présentait partout les mêmes apparences, et n’existait jamais que pour lui-même. Mais, tandis que, dans le cas des phénomènes mécaniques ordinaires, le mouvement, manifestation d’une résultante, est purement et simplement un changement survenu dans les rapports de position de plusieurs masses étendues ; dans le cas dont il s’agit, le mouvement, caché dans les replis de la matière, demeure sans résultante, mais supporte des propriétés nouvelles et supérieures. Relativement simple dans le premier cas, il est, dans le second, d’une complication comme infinie. On ne peut d’ailleurs concevoir comment un mouvement quelconque aurait dans un autre mouvement sa raison suffisante et il peut suffire d’une variation extrêmement faible dans les mouvements élémentaires pour entraîner, dans les conséquences éloignées, des changements considérables. S’il en est ainsi, n’est-il pas vraisemblable qu’il y a une part de contingence dans la production des conditions mécaniques des phénomènes physiques ; et que l’apparition de ces derniers, encore qu’ils puissent être liés uniformément à leurs conditions mécaniques, est contingente elle-même ?

Cependant le monde physique, comme tel, a lui aussi sa loi. Les phénomènes ne s’en produisent pas au hasard. Si cette loi est absolue, l’intervention du monde physique dans le monde mécanique, contingente par rapport à celui-ci, sera en définitive régie par une nécessité interne propre au monde physique lui-même ; et par conséquent, ce qui était en partie indéterminé quand on se plaçait à un point de vue purement mathématique, apparaîtra comme entièrement déterminé, lorsque l’on tiendra compte des actions physiques proprement dites qui influent sur le cours des phénomènes mécaniques. Ainsi la planète Uranus semblait errer