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gent de cette même force ? Si la contingence n’est pas dans la quantité, ne pourrait-elle être dans la direction ?

Mais cette distinction est inutile dans le cas présent. Car, pour changer la direction d’un mouvement conformément aux lois de la mécanique, il faut faire intervenir un mouvement nouveau ou supprimer l’un des mouvements composants, c’est-à-dire augmenter ou diminuer la quantité de la force.

Distinguera-t-on le mouvement proprement dit, ou mouvement de translation, et le mouvement caché ou moléculaire ; et dira-t-on que la loi de la conservation de la force détermine à la vérité la quantité de mouvement moléculaire qui peut résulter d’un mouvement de translation donné, et réciproquement, mais non pas la transformation de l’un dans l’autre, et que cette transformation du moins peut être contingente ?

Mais le mouvement moléculaire n’est au fond qu’une somme de mouvements intestins, qui ne diffèrent du mouvement de translation lui-même que par l’absence de résultante. Comme tel, il ne peut se changer en mouvement de translation que par un changement survenu dans la direction des mouvements élémentaires, c’est-à-dire encore par l’intervention d’une force nouvelle, par une augmentation ou une diminution de la quantité de mouvement.

Restreindra-t-on la possibilité du mouvement contingent au cas où les forces concourantes déterminent un état d’équilibre, et dira-t-on que l’introduction d’une quantité infiniment petite peut quelquefois suffire à rompre l’équilibre, comme il arrive dans le cas de la balance folle ?

Mais cet équilibre idéal est-il jamais réalisé ? Ensuite, si petite que l’on suppose la force additionnelle, ne faut-il pas qu’elle ait une intensité mesurable pour engendrer un effet ?