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A et B il y a un nombre de points indéfini. De même, un mobile qui est supposé se mouvoir de A en B est en réalité immobile. Car en chaque instant indivisible il est en un point indivisible ; et la loi des notions veut qu’il n’y ait pas dans le tout, c’est-à-dire dans la durée totale, autre chose que dans les parties.

En somme, dans ce système, l’étendue et le mouvement ne sont que des rapports. Les choses se définissent entièrement et se distinguent uniquement par des propriétés internes qui préexistent à ces apparences sensibles. Cette doctrine n’est pas satisfaisante, car elle a pour conséquence l’identification et la confusion de certaines choses qui sont en réalité distinctes. Telles sont les figures symétriques non superposables. La distinction de ces figures n’est pas purement abstraite : elle a son application dans les sciences expérimentales, et explique, notamment, les différences de propriétés chimiques que présentent certains cristaux.

L’étendue n’est pas une multiplicité coordonnée par une unité : c’est une multiplicité et une unité fondues ensemble et en quelque sorte identifiées. Ce ne sont pas des parties extérieures les unes aux autres en tant que parties de même ordre, et intérieures en tant que contenues dans des parties d’un ordre supérieur : ce sont des parties similaires, dépourvues d’ordre hiérarchique, à la fois intérieures et extérieures entre elles. En un mot, c’est une chose continue. De même, le temps est une durée continue, le mouvement un passage continu d’un lieu à un autre. Cette idée de continuité, restituée au concept de l’étendue, du temps et du mouvement, écarte les sophismes auxquels on est induit quand on attribue à ces concepts un sens purement logique.

Ainsi les propriétés mathématiques ne sont pas une synthèse analytique des propriétés logiques, une combinaison