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l’explication des choses ; et, par suite, la notion totale contient exactement tout le contenu des notions partielles. En outre, la permanence de toutes les notions particulières a sa raison dans la permanence d’une notion suprême où sont contenues toutes les autres ; les genres d’un ordre inférieur rentrent tous exactement dans un nombre plus petit de genres supérieurs, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tout se ramène à l’unité. Enfin, et par là même, le lien qui unit le particulier au général, le conditionnel à la condition, la chose expliquée à la raison explicative, est absolument nécessaire.

Il est clair que, dans l’une ou l’autre de ces acceptions, le principe d’identité est posé à priori, puisque la nature ne nous présente pas deux choses exactement identiques, et qu’à chaque pas nous nous trouvons en présence de caractères irréductibles. Mais ce ne sont pas ces maximes absolues qui sont requises par la science. Employées comme cadres du raisonnement, elles n’engendreraient que des sophismes, parce que les termes concrets fournis par l’expérience ne satisferaient jamais aux conditions d’identité et de contenance exactes qu’elles requièrent. Elles imposeraient aux recherches scientifiques, en ce qui concerne la nature des genres et leurs rapports entre eux, un point de vue qui pourrait n’être pas légitime, et qui risquerait de fausser l’observation. Comment, en effet, découvrir dans le monde des éléments contingents, à supposer qu’il en existe, si d’avance on affirme que tous les rapports des choses doivent se ramener strictement au rapport de la substance à l’accident ou du tout à la partie, si l’on pose le problème scientifique dans des termes qui, à priori, excluent la contingence et en font une nécessité déguisée ? Toute question posée au monde donné est sans doute légitime, mais à condition que l’on n’érige pas d’abord en vérité indiscutable le postulat qu’elle renferme. On doit, au contraire, être prêt à mettre en question