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que ce rapport diffère radicalement de ceux que nous présente l’expérience ou que nous pouvons lire dans ses données.

Le champ de l’expérience peut d’ailleurs être nettement défini : ce sont les faits et leurs rapports observables. Les faits se distinguent en faits externes et en faits internes ou propres à l’être même qui en est le sujet. Par les sens, nous pouvons connaître les premiers ; par la conscience empirique ou sens intime, nous pouvons atteindre les seconds en nous-mêmes. Les rapports observables consistent dans des rapports de ressemblance et de contiguïté simultanée ou successive.

Un jugement synthétique est subjectivement nécessaire, s’il est posé à priori ; mais, pour qu’il soit, au point de vue des choses, un signe de nécessité, il faut, en outre, qu’il affirme un rapport nécessaire entre les termes qu’il rapproche. Une majeure qui énoncerait un rapport contingent transmettrait ce caractère à toutes ses conséquences. Or les rapports objectifs qui peuvent exister entre deux termes se ramènent à quatre : les rapports de cause à effet, de moyen à fin, de substance à attribut, et de tout à partie. Les rapports de substance à attribut et de tout à partie peuvent se ramener à la causalité et à la finalité réciproques. Il ne reste donc, en définitive, que les rapports de causalité et de finalité.

Or on ne peut dire d’aucune fin qu’elle doive nécessairement se réaliser. Car nul événement n’est, à lui seul, tout le possible. Il y a, au contraire, une infinité de possibles autres que l’événement que l’on considère. Les chances de réalisation de cet événement sont donc à l’égard des chances de réalisation d’autre chose comme un est à l’infini ; et ainsi la réalisation d’une fin donnée quelconque, fût-ce l’uniformité de succession des phénomènes, est, en soi, infiniment peu probable, loin d’être bien nécessaire. De plus,