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le développement lui-même suppose l’intervention d’un principe supérieur, qui tire la matière de l’état d’enveloppement et lui fasse mettre au jour ce qu’elle cache. D’ailleurs la doctrine de la préexistence et de la préformation semble faire place de plus en plus, dans la science, à la doctrine de l’épigénèse, laquelle, sans exclure le principe de développement, suppose expressément un principe d’addition et de perfectionnement.

Un premier coup d’œil jeté sur les phénomènes naturels a pu faire naître l’idée d’une transmutation universelle, sans addition de formes supérieures. On a pu croire que l’eau avec sa fluidité, ou le feu avec sa mobilité, était le principe unique, susceptible, par lui-même, de revêtir toutes les formes que nous connaissons. On a pu, pendant longtemps, persister dans la croyance à la transmutation des métaux. On a pu, jusque dans un âge scientifique avancé, admettre la transmutation pure et simple des forces, croire que le mouvement se peut, littéralement, transformer en chaleur, en vie, en pensée. Un examen plus approfondi a montré que l’eau ou la chaleur qui entretiennent la vie s’insinuent dans le corps vivant sans changer de nature ; que les métaux vils demeurent tels, à travers toutes les fusions et combinaisons qu’on leur fait subir ; que le mouvement subsiste tout entier, comme mouvement, sous la chaleur, la vie, la pensée, dont il accompagne l’apparition.

L’univers ne se compose donc pas d’éléments égaux entre eux, susceptibles de se transformer les uns dans les autres, comme des quantités algébriques. Il se compose de formes superposées les unes aux autres, quoique reliées entre elles, peut-être, par des gradations, c’est-à-dire des additions, tout à fait insensibles.

Et, de même que chaque monde contient quelque chose de plus que les mondes qui lui sont inférieurs, de même, au