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modifications de l’âme ; que les deux ordres de phénomènes existent, croissent et décroissent en même temps et dans des proportions analogues ? Ne peut-on, appliquant à l’âme la loi générale de la corrélation des forces, conjecturer qu’il existe un équivalent mécanique de la sensation, de la pensée, de la volonté, aussi bien que de la chaleur ou de l’action chimique ? De la sorte, la nécessité physique elle-même serait la racine de la nécessité psychologique.

L’analogie qui peut exister entre le développement psychologique et le développement physique ne justifierait pas l’hypothèse d’une transformation des phénomènes mécaniques en phénomènes psychologiques, puisque aussi bien le mouvement ne se transforme même pas en chaleur proprement dite, mais en constitue simplement la condition, la base matérielle. Cependant elle semble indiquer que le monde pensant n’est qu’une sorte de doublure interne d’une partie du monde mécanique. Elle fait supposer qu’au fond il existe entre la pensée et les mouvements concomitants un exact parallélisme. Elle porte à croire que l’on pourra trouver des formules permettant d’expliquer et de prévoir les phénomènes psychologiques par la seule considération de leurs conditions mécaniques.

Cette entreprise serait légitime, si l’on pouvait mesurer, en elles-mêmes, les variations psychiques correspondant aux variations mécaniques.

Or, pour mesurer les manifestations de l’âme d’une manière complète, il faudrait convertir la diversité des phénomènes psychologiques en quantités homogènes, c’est-à-dire, par exemple, en quantités d’énergie psychique. Mais est-il possible de ramener ainsi à une même unité de mesure la diversité des qualités de l’âme ?

Avant d’aborder ce problème, il faudrait évidemment commencer par étudier les variations mécaniques corres-