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les éléments de la conscience totale appartiennent en propre à chaque cellule ; comme cet ensemble de consciences inférieures est entièrement renouvelé au bout d’un certain nombre d’années, on ne comprend pas pourquoi la conscience qui est censée les résumer subsiste après elles.

Dira-t-on enfin que c’est la conscience inhérente à une seule cellule qui se trouve portée à un très haut degré de développement par ses rapports avec les autres cellules ?

Cette explication pourrait être suffisante s’il ne s’agissait que d’une différence d’intensité. Mais il s’agit d’une différence de nature. Il s’agit aussi de la permanence de la conscience à travers le tourbillon vital. Or, malgré leur rôle de récepteur général, les cellules du cerveau ne présentent, comparées aux autres cellules, qu’une différence de degré, insuffisante pour rendre compte de la différence générique qui existerait, dans cette hypothèse, entre leurs propriétés et celles des autres cellules. En présence d’éléments anatomiques presque semblables remplissant des fonctions aussi disproportionnées, on ne peut voir dans la matière qu’un instrument, manié par des puissances inégales.

En somme, la conscience que l’on attribue aux cellules n’a qu’une ressemblance de nom avec la conscience personnelle. Radicalement dépourvue d’unité subjective, elle ne peut, quelque complication qu’on lui suppose, rendre compte de la perception des différences qualitatives, qui est l’attribut du moi. Dès lors, il convient d’écarter un mot qui peut entraîner une confusion, et de dire qu’il s’agit simplement de sensations, de pensées et de tendances, inconscientes. Jusqu’à quel point de tels phénomènes sont-ils concevables ; que reste-t-il de la sensation, de la pensée et du désir, abstraction faite de ce moi, qui, chez l’homme, en paraît la substance ; en quoi ces manières d’être inconscientes se distinguent de l’excitation, du mouvement réflexe et