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loi même de la succession ou évolution des formes. C’est en ce sens que Hæckel a mis en avant le principe du parallélisme du développement ontogénique et du développement phylogénique, principe que l’on est disposé à reconnaître comme vrai, au moins en théorie, c’est-à-dire en prenant pour base le développement embryogénique normal.

En résumé, tandis qu’Aristote cherchait des lois de finalité, Linné, Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier des lois de coexistence, la doctrine moderne de l’évolution poursuit des lois de causalité ; elle prétend atteindre à l’origine et non pas seulement aux rapports de solidarité, et cela en dehors de toute considération métaphysique. L’origine est pour elle la génération dans le temps. Ses arguments sont : 1o la réfutation de la doctrine des créations séparées, comme liée à la finalité et comme impuissante à dresser définitivement la liste des espèces ; 2o des inductions fondées sur la paléontologie, l’anatomie et l’embryogénie comparées ; 3o la reconstruction effective de parties plus ou moins considérables de l’arbre généalogique. L’école adverse, pourtant, ne se tient pas pour battue. Elle se réclame des faits. Elle allègue : 1o que ce sont les évolutionnistes qui introduisent la métaphysique dans la science ; 2o que scientifiquement le système n’est qu’une hypothèse ; 3o que, en fait, les intermédiaires que l’on cherche manquent dans une foule de cas ; 4o que la seule preuve expérimentale qui serait convaincante, l’inter-fécondité convertie en inter-stérilité ou réciproquement, fait complètement défaut.

Nous nous demanderons la prochaine fois quelle est la signification philosophique de ce débat.