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l’hérédité, et ainsi s’explique l’actuelle diversité des espèces. Les changements survenus dans le milieu en sont la cause première.

Darwin suit une marche inverse. Il part du fait actuel de la discontinuité des espèces, et se propose de rendre compte de cette discontinuité par des causes mécaniques. Contrairement à Lamarck, il pose en principe que toute espèce est, par elle-même, plastique. C’est, en effet, un trait de l’hérédité, que les enfants ne sont jamais exactement semblables aux parents. D’autre part, la disproportion de la propagation et de la quantité des subsistances engendre la concurrence vitale. Celle-ci à son tour engendre une sélection naturelle qui, grâce à l’hérédité, agit, avec le temps, comme notre sélection artificielle. Ainsi Lamarck explique la variabilité par l’adaptation, tandis que Darwin explique l’adaptation par la variabilité ; mais tous deux obéissent à la même préoccupation : expliquer la genèse des êtres et l’expliquer mécaniquement.

Le système de Lamarck passa d’abord inaperçu. Celui de Darwin eut vite un succès immense ; mais on ne tarda pas à s’apercevoir qu’il présentait des lacunes. Il ne remonte pas jusqu’aux causes des variations sur lesquelles s’exerce la sélection. Il n’explique pas pourquoi des organismes qui se trouvaient côte à côte se sont développés en des sens divers au lieu de suivre la même voie. Ces lacunes, la science contemporaine essaie de les combler. C’est ainsi que M. Espinas, dans les Sociétés animales, et M. Edmond Perrier, dans les Colonies animales et dans son Traité de Zoologie, cherchent à remonter à l’origine même de la formation des organismes et des caractères, que la sélection pourra accentuer ou effacer. De plus, on cherche à trouver la