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des exemples de pouvoirs analogues. Tel est le phénomène de la surfusion. Le phosphore fond à 40o; on peut abaisser graduellement sa température au-dessous de 40o, sans qu’il cesse d’être liquide ; mais, si l’on y projette alors un fragment de phosphore solide, immédiatement toute la masse se solidifie. Un fait analogue se retrouve dans les oscillations synchrones. Si l’on fait vibrer telle corde d’un violon et si un autre violon se trouve à proximité du premier, la corde correspondante du second instrument vibre à l’unisson. De même l’explosion d’une cartouche de dynamite provoque l’explosion d’autres cartouches situées dans le voisinage. Mais ce ne sont là que des rapprochements, puisqu’il faut toujours que la matière vivante soit donnée. Et, d’une manière générale, on ne saurait confondre l’intercalation d’intermédiaires avec une démonstration d’identité ou de causalité. Ce n’est point cesser de monter que monter à plus petits pas.

En réalité, il n’existe qu’une seule démonstration possible de cette réduction : c’est la production artificielle de l’organique avec de la matière inorganique et des forces physico-chimiques ; mais on est encore bien loin d’un pareil résultat. M. Pasteur déclare très énergiquement que le vivant ne naît jamais que du vivant. Cela, sans doute, est relatif à l’état actuel des choses. Mais il faut considérer qu’en soi, la démonstration en question est fort difficile à réaliser. Car il faut être bien sûr que les matériaux, d’où l’on pense voir sortir la vie, sont véritablement inorganiques. Si la matière, dit M. Sabatier, produit la vie, c’est qu’elle n’est pas purement matière. La vie est partout, estime-t-il, dans la matière dite inanimée, comme dans la matière vivante.