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temps que l’être ou le tissu, sous l’influence d’une excitation provenant du milieu ambiant, réagit, il approprie ses éléments à cette réaction, car il faut, sous peine de déchéance et peut-être de mort, qu’il adapte sa nature physique et sa constitution chimique à ce changement dans les conditions d’existence »[1]. Ces paroles ne semblent-elles pas dire que l’élément vivant tend à subsister dans son individualité, et emploie les moyens appropriés à la réalisation de cette fin ? Cependant, il se peut que ces savants continuent simplement à employer le langage reçu, de même que l’astronome continue à parler du mouvement du soleil autour de la terre, du lever ou du coucher de cet astre. Considérons donc les choses en elles-mêmes.

On ne peut douter que, pour Claude Bernard, la vie ne soit bien réellement une « idée directrice » distincte du mécanisme. Cette théorie joue chez lui un rôle trop important pour qu’on n’y voie qu’une métaphore et une façon de parler. Claude Bernard attribue en propre aux vivants les caractères suivants : organisation, génération, évolution, nutrition, caducité, maladie et mort. Et il juge ces phénomènes inexplicables sans la vie. « La force vitale, dit-il, dirige des phénomènes qu’elle ne produit pas ; les agents physiques produisent des phénomènes qu’ils ne dirigent pas[2]. » M. Marey écrit : « Pour ma part, je ne connais pas les phénomènes vitaux ; je ne constate que deux sortes de manifestations de la vie : celles qui sont intelligibles pour nous ; elles sont toutes d’ordre physique ou chi-

  1. Gley, art. , Irritabilité (Dict. enc. d. sc. méd.), 489.
  2. Claude Bernard, Leçon sur les phénomènes de la vie. I, 51. Cité par Douan, Revue philosophique, 1892.