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tuellement la chimie se distingue véritablement de la physique, et cela en tant qu’elle admet des espèces de corps distincts, substratum de ce profond changement chimique que l’observation distingue du simple changement physique.

Quelle est la valeur objective des lois chimiques ? Si l’on parvient un jour à ramener entièrement la chimie à la physique, le même reproche d’abstraction que celle-ci comporte, envisagée comme science de l’être, atteindra celle-là. Mais la théorie atomique prétend, avec quelques philosophes qui l’embrassent, atteindre, quant à sa forme générale, à la véritable constitution de la matière. Voyons si l’on peut lui attribuer une semblable portée.

Les atomistes modernes prennent pourpoint de départ le principe de Newton : « Par les effets connaître les causes », et, s’appuyant sur l’expérience et l’induction, ils pensent pouvoir aller des phénomènes à l’être. Mais, pour pouvoir être considérée comme une doctrine de l’être, la théorie atomique devrait d’abord être précise et homogène. Or les difficultés que nous avons signalées plus haut, notamment au sujet de la valence, montrent que la notion même de l’atome n’est pas définitivement constituée. L’auteur d’une étude approfondie sur La matière et la physique moderne, Stallo, montre que les chimistes ne parviennent pas à assurer l’homogénéité, la dureté, l’inertie de l’atome, lesquelles entrent cependant comme éléments essentiels dans sa définition. Les chimistes nous parlent aussi d’une énergie de position, distincte de l’énergie cinétique, dont il est malaisé de concilier la réalité avec les principes de l’atomisme. La vérité parait être que cette théorie a rendu d’immenses services, qu’elle est une précieuse notation et sans doute la meilleure que nous possédions, mais qu’elle ne saurait