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science. En second lieu, d’après Lavoisier, les corps simples spéciaux, définis par leur poids, doivent suffire à expliquer la formation des composés. Il en donne un exemple mémorable en expliquant par la combinaison de l’hydrogène et de l’oxygène la composition de l’eau. Les substances mystérieuses, telles que le phlogistique, étaient décidément éliminées. Ainsi les corps dits simples imposent une limite à la décomposition et suffisent à la reconstitution des corps donnés. La chimie transporte ainsi aux espèces des corps la permanence que la mécanique n’attribuait qu’à la force prise en général.

De là résulte une différence capitale entre la physique et la chimie. Cette irréductibilité est-elle définitive ? Les théories ont pour but de l’atténuer le plus possible. Selon la théorie atomique, des atomes, différant simplement en poids, en forme et en valence, suffisent, par leurs arrangements divers, à rendre compte des phénomènes chimiques. Mais ces différences, surtout la différence de valence, constituent encore des différences spécifiques. Cette dernière différence, qui concerne le nombre des atomes susceptibles de s’agréger pour former une molécule, ne peut se ramener aux propriétés physiques ou mécaniques. Dans la gravitation, par exemple, force mécanique, la masse et la distance interviennent seules. D’ailleurs la théorie atomique elle-même est impuissante à reproduire la variété et la complication de la nature. En vain elle se complique, admettant que les atomes peuvent échanger entre eux des demi-valences, qu’il peut y avoir des atomes à quatre dimensions (l’atome d’azote, par exemple), que les poids des atomes sont incommensurables entre eux. Toujours plane sur elle cet à-peu-près qui, selon le mot de M. Berthelot, jette une ombre sur tout le système. Concluons qu’ac-