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transmutation comporte une rotation, un processus circulaire qui revient au point de départ. Un serpent qui se mord la queue, tel est le symbole adopté par les alchimistes. Le premier de ces deux principes est confirmé par l’expérience immédiate ; car, dans une transformation chimique, on observe un changement complet de propriétés qualitatives. Mais les alchimistes, s’en tenant à l’observation immédiate, se sont trompés sur le simple et le composé. Pour eux, le simple, c’est le donné, et le composé, c’est ce que l’on forme avec ce donné. Ainsi un oxyde métallique est pour eux le simple ; le métal que l’on en forme est le composé. Cette identification du donné avec le simple est une erreur identique à celle que l’on retrouve dans la philosophie de Locke, pour qui le simple est la sensation donnée, et le composé, l’idée qui en résulte. Quant au second principe adopté par les alchimistes, il est, lui aussi, conforme à l’expérience brute. En effet, en partant de l’oxyde métallique, on peut obtenir le métal ; et, de même, si l’on chauffe le métal, celui-ci redevient oxyde.

C’est Lavoisier qui, en démêlant les principes de la chimie, a créé cette science telle qu’elle existe aujourd’hui. (Voir : Berthelot, Notice historique sur Lavoisier.) Il a établi, premièrement, que, dans les transformations chimiques, non seulement la matière en général demeure en quantité constante, mais que les corps spéciaux mêmes, sur lesquels opère le chimiste, demeurent sans altération de leur poids. Et, montrant que la calcination des métaux résultait de l’union du métal avec une portion de l’air environnant, et non d’une perte de phlogistique, il a fait du métal le simple, de l’oxyde le composé, changeant ainsi les bases de la