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VII

LES LOIS CHIMIQUES.


Les sciences qui nous ont occupés jusqu’ici avaient toutes, quoique à des degrés divers, un objet abstrait, et considéraient des propriétés existantes, mais non des êtres de la nature. La chimie, au contraire, considère des corps concrets existant en eux-mêmes. De là il semble résulter que cette science a, au point de vue philosophique, une plus grande portée que les précédentes, et que le déterminisme des lois chimiques pénètre plus avant dans l’essence même des choses. Voyons s’il en est ainsi.

La chimie est une science relativement récente. Comme le montre le savant et profond ouvrage de M. Berthelot sur les Origines de l’alchimie, on a tout d’abord expliqué les transformations des corps par l’action spontanée, soit de puissances surnaturelles, soit d’une φύσις qui était encore une sorte d’instinct divin, affranchi des lois mécaniques. Entre cette période, plus ou moins théologique, et la période scientifique actuelle, l’alchimie nous apparaît comme un intermédiaire. Selon les alchimistes, il doit être permis et il est possible à l’homme de mettre à son service les forces de la nature. Le moyen, c’est de s’appuyer sur la nature elle-même : Natura a natura vincitur. Leur théorie est la suivante. D’une part les éléments corporels sont susceptibles de transmutation ; d’autre part, cette