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que, si l’on en change le sens. Ainsi, pour aller de a en B dans notre atmosphère, un pendule, par exemple, devra surmonter une résistance ; pour vaincre cette résistance, il devra produire un travail ; et, en travaillant, il perd une partie de son énergie. Si donc on change le sens du mouvement, ce mobile ne reviendra pas au point de départ, puisqu’il a déjà perdu de l’énergie à l’aller, et qu’il va encore en perdre au retour. On peut établir comme règle universelle que toutes les fois qu’il y a travail, il y a, avec une production de chaleur, perte irréparable de la condition primitive. Cette loi introduit en physique un élément différent des éléments mécaniques. En mécanique, on considère une force qui conserve toujours la même nature et la même qualité ; en physique, au contraire, la qualité diffère ; le travail est d’une qualité supérieure à la chaleur ; la chaleur à 100° est d’une qualité supérieure à la chaleur à 99°. Jamais la chaleur ne reconstitue intégralement le travail dont elle est issue ; la qualité de l’énergie va toujours en diminuant, comme il résulte du principe de Clausius ; les phénomènes sont irréversibles, le résultat final est toujours une déchéance. Qu’est-ce à dire, sinon que la physique ne peut faire abstraction de la qualité, au moins de la qualité ainsi entendue ? C’est la maxime de M. Cornu : en physique, dit-il, il n’y a pas seulement à se préoccuper de la quantité de l’énergie, mais encore de sa qualité. Les lois physiques ne peuvent donc se ramener aux lois mécaniques ; un élément nouveau intervient : la qualité. Ce n’est plus, sans doute, la qualité scolastique, mais c’est déjà un élément de différenciation et d’hétérogénéité.

Demandons-nous maintenant ce qui, dans la réalité, cor-