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telligibles, ce qui ne paraîtra pas étrange si l’on se rappelle que ces concepts, soumis à l’analyse, présentent des éléments réfractaires à la pensée.

Une troisième forme du dogmatisme est celle qui a été professée par Leibniz. Selon lui, il y a partout à la fois du mécanique et du métaphysique ; les lois mécaniques existent, mais non pas comme telles, séparément et en elles-mêmes, et ce n’est pas ainsi qu’elles sont réalisées dans la nature. Leur réalité consiste en ce qu’elles sont bien fondées, c’est-à-dire supportées par une réalité distincte d’elles-mêmes, mais existant en soi et contenant les requisita de la mécanique. Ce sujet des phénomènes mécaniques est la force, c’est-à-dire une essence métaphysique, laquelle, en définitive, présente une certaine analogie avec nos âmes. Mais ce système soulève aussi des difficultés. Les formules mathématiques des mécaniciens ont été, depuis Descartes jusqu’à nous, tellement épurées de tout contenu psychologique ou métaphysique, qu’on ne voit plus de rapport entre la force telle qu’on l’entend en métaphysique, et la force telle que la suppose la science. Cette dernière n’est qu’une mesure de mouvements. On peut aussi bien la concevoir comme suite que comme condition du mouvement. Dès lors, la transition nous manque de la force scientifique à la force métaphysique. La métaphysique de Leibniz, est superposée du dehors à la science proprement dite. Vraie ou fausse, ce n’est plus le mécanisme scientifique qu’elle érige en réalité.

Les lois mécaniques ne peuvent donc être considérées comme réalisées telles quelles dans la nature des choses. Les concepts dont elles se composent deviennent inintelligibles, quand on en fait des êtres. Faut-il donc leur dénier toute réalité véritable et dire, avec l’idéalisme,