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matière et le mouvement, ramenés eux-mêmes à l’étendue, sont pour lui toute l’essence des choses autres que l’esprit, et ainsi les lois mécaniques existent comme telles dans la nature. Il y a plus : elles sont les lois fondamentales de la nature entière.

Cependant le cartésianisme prête à des objections graves. Sur quoi se fonde-t-il ? Sur la clarté propre à l’idée d’étendue. Mais comment de cette clarté conclure au rôle d’essence de la nature corporelle attribué par Descartes cartes à l’étendue ? Descartes lui-même n’y parvient qu’en recourant, comme à un Deus ex machina, à la véracité divine. Mais comment concevoir le mouvement comme une chose existant en soi ? Le mouvement ne se suffit pas à lui-même. Le sens commun dit qu’il suppose quelque chose qui se meut, et le sens commun a raison. Pour établir un lien entre les diverses positions dont se compose le mouvement, il faut, ou un sujet permanent tel que la matière, ou un esprit qui embrasse les représentations de ces positions dans une même conscience. En un mot, le mouvement, à lui seul, ne renferme pas le principe d’unité dont il a besoin pour être réel.

Newton corrigea le mécanisme de Descartes, mais en restant dogmatique. Quand il dit : Hypotheses non fingo, il veut signifier qu’il ne se contente pas, comme Descartes, d’explications simplement possibles, mais qu’il prétend découvrir les causes réelles et effectives, des choses, les lois que Dieu lui-même a eues présentes à l’esprit en créant et ordonnant l’univers. Newton introduit ce sujet matériel qui manquait au mécanisme cartésien ; il admet, comme condition du mouvement, des corps doués de forces, et par là il pense assurer, beaucoup mieux que ne faisait le cartésianisme, l’objectivité des lois mécaniques. C’est ainsi qu’il reconnaît l’existence