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V

LES LOIS MÉCANIQUES. (Suite.)


Nous avons vu, dans la précédente leçon, que les lois mécaniques ne sont pas une simple promotion et complication des mathématiques ; en effet, elles impliquent un élément nouveau, qui ne peut être ramené à l’intuition mathématique, à savoir la solidarité de fait, la dépendance régulière et constante, empiriquement donnée et inconnaissable a priori, entre deux grandeurs différentes. Nous avons montré que ces lois ne sont pas non plus des vérités purement expérimentales. Elles résultent de la collaboration de l’esprit et des choses ; elles sont des produits de l’activité de l’esprit, s’appliquant à une matière étrangère ; elles représentent l’effort qu’il fait pour établir une coïncidence entre les choses et lui. Nous nous demandons maintenant en quel sens les fois mécaniques peuvent être considérées comme réalisées dans la nature.

Le premier mouvement des créateurs du mécanisme scientifique fut d’accorder l’existence objective à ces lois qui nous permettent d’expliquer si rigoureusement les choses, et la première doctrine que nous rencontrons à ce sujet est le dogmatisme. Selon cette doctrine, les lois mécaniques sont, comme telles, inhérentes aux choses prises en soi, indépendamment de l’esprit les considère. Descartes professe ce mécanisme métaphysique : la