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la formation et l’état actuel de cette notion, nous allons en étudier l’évolution historique.

Dans l’antiquité et en particulier chez Platon et Aristote, ce qui parait frapper surtout l’esprit humain, c’est la différence du mouvement et du repos. On part de cette opposition et l’on admet que la matière est, par elle-même, à l’état de repos. Dès lors, ce qu’il s’agit d’expliquer, c’est comment elle passe du repos au mouvement. Pour résoudre la question, on considère la production d u mouvement chez l’homme. Or, le mouvement apparaît chez l’homme comme le résultat d’une action de l’âme sur le corps. Donc on posera, au-dessus de la matière, une force distincte, plus ou moins semblable à une âme, et comme telle propre à agir sur les corps. Cette vue se relie facilement à la conception téléologique, en vertu de laquelle Dieu meut et gouverne l’ensemble des choses ; et ainsi elle apparaît comme favorable à la morale et à la religion. En revanche, elle contrarie le progrès de la science. Comment, en effet, mesurer et prévoir l’action d’une force immatérielle sollicitée par des raisons esthétiques et morales ? En fait, la science du réel fit peu de progrès tant qu’elle resta placée à ce point de vue.

À la Renaissance, se développe une conception toute différente. Au lieu d’opposer le mouvement et le repos, Galilée les considère comme analogues : la matière se suffit à elle-même, aussi bien dans le mouvement que dans le repos. D’elle-même, sans intervention surnaturelle, elle conserve indéfiniment un mouvement uniforme et rectiligne ; d’elle-même, elle ne peut, ni passer du repos au mouvement, ni passer du mouvement au repos : c’est le principe d’inertie. Sans doute, si l’on veut se représenter l’origine du mouvement, il faut supposer une première impulsion, une chiquenaude, comme dira