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lois, tant mathématiques que logiques, ne découlent pas immédiatement de la nature de l’esprit, elles ne sont pas non plus tirées de l’expérience, car, s’il en était ainsi, elles devraient coïncider avec des parties ou des faces de la réalité : or, il n’en est rien. Ni les universaux de la logique, ni le nombre infini des mathématiques ne nous sont donnés. On ne conçoit même pas comment ils pourraient l’être. La logique et les mathématiques ne dérivent donc uniquement ni de la connaissance a priori ni de la connaissance a posteriori ; elles représentent l’œuvre de l’esprit qui, sollicité par les choses, crée un ensemble de symboles pour soumettre ces choses à la nécessite, et ainsi se les rendre assimilables. Les lois logiques et mathématiques témoignent du besoin qu’a l’esprit de concevoir les choses comme déterminées nécessairement ; mais l’on ne peut savoir a priori dans quelle mesure la réalité se conforme à ces symboles imaginés par l’esprit : c’est à l’observation et à l’analyse du réel qu’il appartient de nous apprendre si la mathématique règne effectivement dans le monde. Tout ce que l’on peut admettre, avant cette étude expérimentale, c’est qu’il y a vraisemblablement une certaine analogie entre notre nature intellectuelle et la nature des choses. Autrement l’homme serait isolé dans l’univers. Mais ce n’est jamais là qu’une conjecture. La considération des sciences concrètes nous permettra seule de dire quel degré de réalité nous devons attribuer à la logique et aux mathématiques.

Les lois de la réalité qui nous sont données comme les plus voisines des relations mathématiques sont les lois mécaniques. L’élément essentiel et caractéristique de ces lois est la notion de force. Pour nous expliquer