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tion de ses actes, les lois mathématiques peuvent être conçues comme réelles, en tant qu’elles sont, au sein de l’esprit lui-même, le fondement du monde des représentations. À l’idéaliste nous répondrons que son système est mal justifié. Pour que nous pussions voir dans les mathématiques l’objectivation de la pensée elle-même, il faudrait que les lois en fussent parfaitement intelligibles ; or l’esprit n’arrive pas à se les assimiler sans se faire quelque violence. D’ailleurs, nos mathématiques représentent une forme particulière de la mathématique ; d’autres sont possibles, et, si nous tenons à celles-ci, c’est uniquement parce qu’elles sont plus simples, ou plus commodes pour comprendre les phénomènes extérieurs. Comment l’idéaliste fera-t-il le départ de ce qui est absolument nécessaire et de ce qui pourrait être autre dans le développement des mathématiques ?

Il existe, semble-t-il, un moyen de maintenir l’objectivité absolue des mathématiques, en dépit des difficultés que la réalisation de l’infini présente à l’intelligence : c’est de dire que la loi du réel est précisément l’illogisme et même l’identité des contradictoires. Mais ce que l’on concevrait alors comme réalisé serait autre chose que les mathématiques comme telles, puisqu’elles ont été instituées précisément pour lever autant que possible les contradictions que présentent les phénomènes.

Selon d’autres, la substance des choses nous échappe, mais les lois mathématiques en représentent la forme, les relations ; elles sont ce qu’il y a de commun entre nous et la réalité extérieure. Telle fut, par exemple, la doctrine d’Ampère. Cette conception est simple et claire, mais artificielle. Car la forme et le fond des choses ne se laissent pas séparer ainsi radicalement. Si l’on connaît parfaitement la forme des choses, on