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aux secondes. Pour d’autres, au contraire, conformément à la doctrine de Kant, ces deux espèces de lois sont irréductibles l’une à l’autre ; il y a, dans la liaison mathématique, quelque chose de plus que dans la liaison logique. Or, les spéculations des mathématiciens nous paraissent, en général, plus favorables à la seconde thèse qu’à la première.

Qu’y a-t-il de nouveau dans les mathématiques, comparées à la logique ? D’une manière générale : l’intuition. Qu’est-ce donc qui caractérise l’intuition mathématique ?

La logique, si l’on y prend garde, suppose un tout donné, un concept dont elle se propose l’analyse ; elle admet, dans ce concept, des éléments juxtaposés, et ne détermine pas le lien qui les unit les uns aux autres. Les mathématiques, au contraire, font une œuvre essentiellement synthétique ; elles posent les rapports que la logique suppose ; elles créent un lien entre les parties d’une multiplicité, elles marchent du simple au composé ; elles engendrent elles-mêmes le composé, au lieu de le prendre comme donné. L’intuition mathématique est donc bien quelque chose de nouveau ; mais n’est-elle que cela ?

Déjà dans la logique du concept, en tant qu’on la distingue de la logique véritablement pure, la notion du général vient embarrasser l’entendement, en quête de parfaite intelligibilité. En mathématiques, il y a plus. Les définitions fondamentales ne sont pas de simples propositions. En une définition mathématique sont souvent condensées une infinité de définitions. Par exemple, dans la numération, on prend l’unité pour point de départ ; puis on forme les définitions suivantes : 2 = 1 + 1, 3 = 2 + 1, 4 = 3 + 1, etc.,