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comme libres. Elle est un maître absolu, mais infiniment éloigné de nous, une barrière infranchissable, mais en deçà de laquelle il y a plus d’espace que nous n’en pourrons jamais embrasser.

Quant au syllogisme, s’il n’est qu’un symbole fabriqué par l’esprit humain, il ne saurait être évident que la nécessité qui lui est propre se trouve effectivement réalisée dans les choses. Cette nécessité est la liaison au sein de l’espèce et du genre. Seules les sciences spéciales nous apprendront s’il y a dans la nature des genres et des espèces. Toutefois, comme l’homme n’est pas un empire dans un empire, comme non seulement nos raisonnements réussissent, mais qu’il est naturel qu’ils réussissent, il est légitime d’admettre qu’il y a dans les choses une tendance à l’ordre, à la classification, à la réalisation d’espèces et de lois. Déjà nous entrevoyons qu’il pourrait y avoir dans l’être qui nous environne une dualité analogue à celle que nous constatons en nous. À côté de l’intelligence, nous possédons un ensemble de facultés que l’on groupe sous le nom d’activité. L’intelligence est la règle de l’activité ; mais nous ne pouvons dire a priori dans quelle mesure l’activité réalise l’intelligence. Peut-être en est-il de même dans la nature. Il y a un principe de nécessité ; mais ce principe n’est pas le fond des choses, il n’en est que la règle. Seule, la connaissance des lois particulières nous donnera une idée de la mesure dans laquelle la nécessité se réalise.