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est la vraie ? Ni l’une ni l’autre, vraisemblablement. En tout cas, ce n’est pas la considération des lois logiques prises en elles-mêmes, mais seulement celle des lois concrètes de la nature qui peut nous apprendre dans quelle mesure les êtres réels participent de l’identité et de la contradiction.

Il est moins hardi et il est plus usuel de voir dans les lois de la syllogistique l’expression exacte des lois qui se retrouvent dans la nature. Les dogmatistes sont portés en ce sens à confondre logique et réalité. Ils fondent leur opinion sur ce qu’ils appellent « l’accord naturel de la pensée et des choses », principe qu’ils regardent comme nécessaire et inné. Mais ce principe n’est qu’un vœu, un désir, un simple postulat. D’ailleurs, fût-il certain, il ne garantirait pas l’objectivité de la logique syllogistique, si celle-ci, comme nous avons essayé de le montrer, n’est pas la pensée même, mais une altération des principes de la pensée résultant précisément de l’opposition de la pensée et des choses. Faut-il donc renoncer absolument à l’objectivité de cette logique, et soutenir, avec les empiristes, qu’il n’y a que des faits, et que ces faits créent en nous des habitudes, impérieuses sans doute, mais purement subjectives ? Il semble bien que les lois logiques ne puissent être considérées comme venant exclusivement de l’expérience : celle-ci ne présente pas de groupements analogues aux concepts, et le concept n’est pas une acquisition tardive de l’esprit. En dépit d’un préjugé qui nous vient de Locke, c’est par des concepts généraux que l’enfant débute, et le rôle de l’expérience est précisément de les contredire et de les faire éclater. Le concept vient donc de l’esprit ; sans doute, il est formé à l’occasion de l’expérience et avec des matériaux empruntés