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cher la nuance, au risque même d’effleurer la contradiction, tel est le moyen de saisir la réalité. Cette divergence d’opinions semble pouvoir être expliquée par la distinction établie plus haut. Les lois logiques pures sont incontestables, mais ne concernent que peu ou point la nature interne des choses ; les lois de la syllogistique pénètrent plus avant dans la nature des choses, mais ne peuvent être appliquées qu’avec discernement.

Les premières sont, pour nous, absolument nécessaires ; il n’est pas en notre pouvoir de concevoir qu’elles ne soient que purement subjectives, et que la nature ne les réalise pas ; nous ne voyons même pas comment l’expérience pourrait les contredire, puisqu’elles portent simplement que si quelque chose est, il est. Mais ce qui fait leur force, fait aussi leur faiblesse : elles laissent indéterminées les choses auxquelles elles s’appliquent. Quand je dis a est a, je ne m’interdis nullement de supposer que a est en soi dépourvu d’identité. Il reste donc à savoir si la nature même des choses est, elle aussi, conforme à ces principes. Les Eléates ont soutenu que l’être est effectivement identique et exempt de contradiction ; mais à un tel système l’histoire de la philosophie oppose celui de Hegel, pour qui la nature intime des choses est, au contraire, la contradiction et la lutte inévitable. Ces deux systèmes ne diffèrent pas d’opinion sur les lois de la logique pure. L’un et l’autre s’y conforment. Car Hegel ne dit pas que, au moment où l’on énonce une proposition, on peut également énoncer la proposition contradictoire. Sa pensée est que si, dans la formule a est a, on remplace a par sa valeur réelle, on a, avant toutes choses, l’être identique au non-être. De la doctrine éléatique et de la doctrine de Hegel, laquelle