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une exacte identité. Il est aux propositions ce que les propositions sont au concept. Ainsi, l’on n’a pas simplement déduit des lois de la logique pure une matière appropriée à l’application de ces lois : on a composé le syllogisme à l’aide des lois de la logique pure et d’une matière surajoutée.

Cette matière, du moins, s’accorde-t-elle exactement avec la forme logique constituée par les trois principes fondamentaux ? La pure forme logique s’y applique t-elle sans altération aucune ? L’histoire de la philosophie nous apprend que la logique aristotélicienne n’a pas été sans rencontrer des adversaires. L’école anglaise, par exemple, n’y voit qu’un vain jeu de l’esprit ; et des philosophes intellectualistes, tels que Herbart, s’épuisent en vains efforts pour établir la légitimité de la notion de rapport. C’est qu’il y a dans la logique syllogistique quelque chose, non seulement de nouveau, mais d’étrange, au regard de la logique pure.

En effet, le concept doit exprimer une unité enveloppant une multiplicité. Mais quelle idée doit-on se faire de cet assemblage ? Si l’on dit que la multiplicité est en puissance dans le concept, on introduit visiblement un élément obscur. Si l’on dit que le concept contient ses parties comme un vase contient ce qu’on y enferme, on est dupe d’une image physique, on suppose l’obscure notion d’espace. On croit souvent s’en faire une idée claire, parce qu’on n’y voit qu’une collection d’éléments. Mais où l’unité a disparu, il n’y a plus de concept, et ce serait supprimer tout à fait la logique que de faire porter le raisonnement sur les faits eux-mêmes, comme matière immédiate. De même, le jugement renferme quelque chose d’obscur. En quoi consiste le lien qu’il établit entre le sujet et