Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher, pour chaque ordre de réalités, un principe positif approprié. Newton a fourni le type de l’explication scientifique en faisant reposer la mécanique céleste sur la loi de gravitation, radicalement distinguée des lois purement géométriques. Les sciences se sont ainsi émancipées une à une ; elles se sont constituées comme autonomes, à l’aide de principes spéciaux et tenus pour irréductibles : c’est ainsi, par exemple, qu’on a distingué les principes physiques des principes purement mécaniques, la chimie de la physique, les propriétés vitales des propriétés physiques et chimiques. Sans doute on essaie de faire ressembler chaque science, mutatis mutandis, aux sciences mathématiques ; mais on ne considère plus les unes comme un simple prolongement des autres : on accorde aux sciences particulières la spécificité de leurs principes.

Il nous faudra donc, pour étudier l’idée de loi naturelle, prendre notre point d’appui dans les sciences, tout en demandant à la philosophie des indications sur la manière d’en interpréter les principes et les résultats. Nous prendrons les lois telles que les sciences nous les présentent, réparties en groupes distincts. Nous étudierons séparément chacun de ces groupes, et, à propos de chacun d’eux, nous nous poserons des questions relatives :

1o À leur nature. — Dans quel sens et dans quelle mesure ces lois sont-elles intelligibles ? N’y a-t-il entre elles que des différences de généralité et de complexité, ou l’apparition d’un nouveau groupe marque-t-il réellement l’introduction d’un nouveau principe philosophiquement irréductible ?

2o À leur objectivité. — Ces lois forment-elles pour nous la substance des choses, ou régissent-elles seu-