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sciences physiques, qui s’unissent aisément aux mathématiques, et les sciences biologiques, pour qui cette union est bien plus artificielle. Dans les premières, l’homme circonscrit lui-même le champ de ses investigations ; il se propose de ne considérer qu’un certain ordre de manifestations de la nature, celui-là même qui donne prise à la mesure et au nombre, et de faire abstraction des autres. Grâce à cette délimitation arbitraire, on a affaire à un objet qui comporte sensiblement la détermination mathématique. Dans les sciences biologiques, on peut employer encore cette méthode ; mais alors on laisse visiblement en dehors de son investigation la meilleure partie et la plus caractéristique des phénomènes. Plus on veut saisir l’être dans sa réalité concrète, plus il faut se contenter d’observer et d’induire, en ajournant l’emploi de l’analyse mathématique. Ainsi la forme mathématique imprime aux sciences un caractère d’abstraction. L’être concret et vivant refuse de s’y enfermer.

Il y a donc, d’une manière générale, deux sortes de lois : les unes, qui tiennent davantage de la liaison mathématique et impliquent une forte élaboration et épuration des concepts ; les autres, qui sont plus voisines de l’observation et de l’induction pure et simple. Les premières expriment une nécessité rigoureuse, sinon absolue, mais restent abstraites et incapables de déterminer le détail et le mode de réalisation effective des phénomènes. Les secondes portent sur le détail et sur les relations qu’ont entre eux les ensembles complexes et organisés : elles sont donc beaucoup plus déterminantes que les premières ; mais, n’ayant d’autre fondement que l’expérience et reliant entre eux des termes tout à fait hétérogènes elles ne peuvent être tenues pour nécessitantes. [141]