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et sans frein. Telle qu’elle est conçue, cette nécessité se retrouve-t-elle véritablement dans les choses ? La fusion parfaite des mathématiques et de l’expérience, objet de la science moderne, se réalise-t-elle effectivement ? Parait-elle devoir se réaliser un jour ?

Pour pouvoir réaliser l’union intime des mathématiques et de l’expérience, on a supposé que tout ce qui nous est donné se décompose en deux éléments impénétrables l’un à l’autre : des mouvements et des états de conscience, et que, de ces deux éléments, le premier est, par rapport à la connaissance, le substitut légitime du second. En tant qu’elles peuvent être considérées comme consistant en mouvements, les choses satisfont aux conditions d’une science mathématico-expérimentale.

Précise et rigoureuse en philosophie, cette séparation de la quantité et de la qualité peut-elle être exactement réalisée dans les sciences ? On ne saurait l’affirmer. La science concrète qui doit être la base de toutes les autres, la mécanique, présente des éléments irréductibles aux pures déterminations mathématiques, et ne peut parvenir à transformer entièrement ses données expérimentales en vérités rationnelles. Connus par la seule expérience, les rapports les plus généraux des choses demeurent pour nous, comme le disait Newton, radicalement contingents. Pourquoi les corps s’attirent-ils en raison de leur masse et non du carré de leur masse ? C’est là un fait, et rien de plus. La mécanique céleste implique, en définitive, l’idée même de loi naturelle, en tant que distincte de la relation simplement mathématique, à savoir en tant que rapprochant l’un de l’autre deux termes, dont l’un ne peut en aucune façon se tirer de l’autre.

Il serait maintenant inexact de dire que la mécanique [139]