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atteindre au nécessaire, pourvu qu’elle réussisse à discerner cette trame intérieure de la réalité. Séparées comme elles l’étaient chez les anciens, les mathématiques et l’expérience restaient, celles-là transcendantes, celle-ci incertaine. Intimement unies, elles fondent une science absolue de la réalité sensible elle-même. Les mathématiques communiquent à la science la nécessité; l’expérience, la valeur concrète. Telle est la racine du déterminisme moderne. Nous croyons que tout est déterminé nécessairement, parce que nous croyons que tout, en réalité, est mathématique. Cette croyance est le ressort, manifeste ou inaperçu, de l’investigation scientifique. La question est de savoir si c’est là un principe constitutif ou simplement un principe régulateur et une idée directrice. La science établit-elle, ou se borne-t-elle à supposer que le fond des choses est exclusivement mathématique ?

Le déterminisme moderne repose sur les deux assertions suivantes : 1° les mathématiques sont parfaitement intelligibles et sont l’expression d’un déterminisme absolu ; 2° les mathématiques s’appliquent exactement à la réalité, au moins en droit et dans le fond des choses.

Examinons d’abord la première thèse. Elle consiste à voir dans les mathématiques une promotion immédiate de la logique. Or, la logique déjà, du moins la logique réelle, qui comprend la théorie du concept, du jugement et du raisonnement, suppose des données irréductibles à la relation analytique qui est le seul type de la parfaite intelligibilité. Le concept, le jugement et le syllogisme ont donné lieu de tout temps à des controverses. On n’écarte le reproche de tautologie stérile qu’en introduisant des considérations qui sortent de la pure logique. Telle est celle de l’implicite et de [137]