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il n’est pas possible de faire abstraction de l’homme ; il faut le prendre avec sa nature, avec ses facultés propres d’intelligence et de volonté. Ce sont là peut-être des données en partie impénétrables à l’analyse et irréductibles ; mais, à y regarder de près, les sciences inférieures supposent déjà de telles données. Il y a d’ailleurs des degrés dans les lois sociales. Il en est qui expriment les conditions d’une société où l’homme n’agit presque pas comme homme, et ne fait guère que suivre les impulsions de sa nature animale. Il en est qui se rapportent aux sociétés plus proprement humaines, où l’homme fait un usage plus ou moins considérable de sa raison et de son énergie. Les premières préexistent aux secondes et sont comme le fonds sur lequel travaille l’activité humaine. Il faut d’abord être animal pour pouvoir se faire homme. Mais l’homme dirige dans une certaine mesure l’animal qui soutient sa nature humaine. Cette vue suppose, il est vrai, qu’une idée peut être efficace. Mais, si l’empire immédiat d’une idée sur la matière est inintelligible, en est-il de même d’une action exercée à travers une infinité d’intermédiaires touchant d’un côté à l’esprit, de l’autre à la matière ? Songeons que l’esprit pur et la matière pure ne sont que des abstractions. Bien compris, le mécanisme, loin de nous envelopper de toutes parts, est notre moyen d’action sur les choses.

Nous avons prise sur le mécanisme physique, grâce au mécanisme psychique et sociologique, lesquels dépendent de nous. La connaissance des lois des choses nous permet de les dominer, et ainsi, loin de nuire à notre liberté, le mécanisme la rend efficace.