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chacun d’eux, si hétérogène qu’il soit à l’égard des autres, soit lié à un phénomène physique déterminé. Mais alors nous retombons dans certaines difficultés exposées plus haut. Vouloir qu’un certain équivalent mécanique représente chacun des états d’âme, c’est admettre que ceux-ci sont en quelque sorte des entités fixes et rigides, des atomes immuables, ce qui, nous l’avons vu, n’existe pas en réalité. Les qualités ne peuvent pas se mettre en dehors les unes des autres comme des choses externes. Il est impossible de dire où l’une finit, où l’autre commence. Elles sont invinciblement complexes et fluides.

Tel est donc le dilemme que l’on peut opposer à la psycho-physique : ou bien les lois psychologiques relient entre eux des termes hétérogènes, et il n’y a pas de raison pour que celui-là dépende de celui-ci plutôt que celui-ci de celui-là ; ou bien elles ne portent que sur des termes homogènes et quantitatifs ; et, dans ce cas, il est impossible d’établir la correspondance de ces lois objectives avec les phénomènes subjectifs de l’âme.

C’est que la psychologie physique poursuit un problème paradoxal. Les sciences positives, depuis les mathématiques jusqu’à l’histoire naturelle elle-même, n’ont pu se constituer qu’en faisant de la réalité deux parts : l’une susceptible, l’autre incapable d’être quantifiée. La seconde part excluant la précision et le calcul, on l’écarte ; la première seule fera l’objet de la science. Or, ce résidu, que les sciences précédentes ont dû éliminer pour devenir positives, à savoir l’ensemble des éléments subjectifs, voilà ce que la psychologie physique voudrait connaître scientifiquement. Cela est l’opposé de la méthode des sciences. Or, de deux choses l’une : ou l’on entend réduire absolument le dedans qu’avaient réservé [122] les sciences,