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et relie par un rapport de constance et de nécessité deux termes hétérogènes. Un tel genre de loi est parfaitement concevable depuis que Hume a formulé le fameux principe : « Any thing may produce any thing ». Mais si les deux termes sont de nature entièrement distincte, leur liaison est pour nous une simple concomitance ; et a priori nous n’avons aucune raison d’affirmer que le physique ne peut pas dépendre du psychique, aussi bien que le psychique du physique. Aussi l’énoncé de telles lois n’est-il en général qu’une étape que l’on espère franchir. Par la dépendance du moral à l’égard du physique, on entend au fond la réduction aussi complète que possible du moral au physique. Cette réduction serait réalisée de la manière suivante : montrer qu’à chaque phénomène psychique correspond un phénomène physique déterminé, et que ce dernier s’explique entièrement par des causes physiques. Le psychique ne serait ainsi qu’une expression, une traduction, en un langage spécial, de certains phénomènes physiques.

Pour opérer cette réduction, la psycho-physique mesure les états de conscience, et cherche la loi de leur correspondance à certains phénomènes physiques. Mais, obligée de substituer aux sensations elles-mêmes les plus petites différences perceptibles, elle prend pour accordé que des différences aussi petites que possible sont égales. Or rien n’est moins évident, et l’on cherche vainement des unités psychiques susceptibles d’être ajoutées ou retranchées comme les unités mathématiques. Cette critique, toutefois, n’est pas décisive. Il n’est pas nécessaire que les phénomènes psychiques soient traités comme des quantités, pour qu’ils puissent être ramenés à des phénomènes physiques. Il suffit que [121]