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siens [110] incapable d’établir solidement son point de vue. La psychologie d’introspection, issue de Locke, pourra-t-elle suffire à la philosophie moderne, qui poursuit la science de l’âme ? Dynamistes et associationnistes sont engagés dans un débat qui, sur le terrain de la seule observation intérieure, apparaît comme insoluble. L’expérience suppose des principes a priori, disent les disciples de Kant. J’explique vos principes a priori par l’expérience même, répond Stuart Mill. Les uns et les autres s’accusent mutuellement de tourner dans un cercle vicieux. De plus, ni l’une ni l’autre des deux doctrines, prise en elle-même, ne satisfait vraiment aux conditions de la science. Aux dynamistes on reproche un apriorisme qui sort des cadres de la science et ne comporte pas de relation définie avec les faits. D’autre part, l’associationnisme lui-même, quand il arrive à se formuler pleinement, avoue son insuffisance. Le moi, en effet, ne serait, à son sens, qu’une série d’états de conscience qui se connaît. Mais comment une série peut-elle se connaître, c’est-à-dire s’unifier ? D’où vient le lien ? Mill lui-même convient que cette unité ne peut être un simple produit des lois de la pensée, et fait appel au Moi. D’autre part, les liaisons de phénomènes psychiques que l’on peut découvrir par l’observation intérieure demeurent très lâches et indéterminées. Le postulat des idéologues était que les idées forment un monde à part, qui a ses lois comme le monde des corps. Mais le psychique se suffit-il ainsi à lui-même ? Il ne le semble pas, et ainsi l’associationnisme, qui ne-dispose que des états de conscience, peut être descriptif, non explicatif, ou du moins ne peut dépasser les explications très générales et très vagues.

En présence des lacunes, peut-être irrémédiables, de la psychologie d’introspection, l’idée cartésienne de