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toute trace d’activité. Par la seule force des idées, une association devient inséparable, si elle a été souvent reproduite et si jamais elle n’a été contredite. L’association, prise à la lettre, c’est-à-dire une loi de tout point analogue aux lois physiques, doit expliquer tous les concepts et opérations pour lesquels on s’est cru obligé de recourir à la spontanéité de l’esprit, à savoir la causalité, les vérités premières, le raisonnement, la volonté, la moralité, l’extériorité, le corps et l’esprit.

Tel est le développement de la philosophie de Locke conçu dans le sens idéologique. Il n’est pas sans soulever des difficultés. Qu’est-ce que ce donné, d’où partent les idéologues et où ils cherchent l’explication de toute la vie psychique ? L’idée-atome n’est pas un concept plus clair que l’atome matériel. Est-il vrai qu’il y ait des indivisibles psychiques, alors qu’on ne peut trouver d’indivisible corporel ? Et si l’on soumet à l’analyse ce prétendu donné, l’idée des idéologues, n’y trouve-t-on pas toujours, avec un élément venu du dehors, cette activité même de l’esprit qu’on se proposait d’éliminer ? Que vaut la doctrine, si ses principes supposent cela même dont elle prétend se passer ? Ainsi raisonne la seconde catégorie de philosophes issus de Locke, et qu’on peut appeler les psychologues dynamistes. On peut d’ailleurs, parmi les dynamistes, distinguer ceux qui procèdent par analyse, et ceux qui procèdent par simple observation.

Parmi les représentants du dynamisme analytique, il convient de placer Condillac. En effet, la sensation qu’il pose comme primitive et fondamentale n’est pas une simple donnée indivisible et inerte ; elle est une faculté, et elle se développe grâce à l’activité qui lui est propre. [109]