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les éléments mêmes que l’on prend pour donnés. La différence n’est que mesure. En réalité, on se donne la faculté de la spécification et de l’adaptation, et l’on montre comment, sous l’influence des circonstances, cette faculté passe à l’acte et réalise les espèces que nous avons sous les yeux. La finalité plane sur tout le système.

Les lois zoologiques ne sont donc pas actuellement ramenées aux lois physico-chimiques. Elles établissent un lien étroit entre le présent et le passé, lien que Descartes avait refusé de reconnaître, et ainsi elles sont pour la science un précieux enrichissement ; mais il reste qu’elles sont d’une autre nature que les lois dont nous nous sommes occupés jusqu’ici. En effet, elles règlent l’ordre des choses dans le temps. Les lois physiques ne règlent que les relations de cause à effet, l’un des deux termes étant supposé donné. L’évolutionnisme transporte à la succession des êtres dans le temps la notion de causalité physique, qui, en elle-même, ne se rapporte qu’à un couple de phénomènes se produisant dans un temps quelconque. Il introduit l’idée de loi historique. La nature, selon ce système, est comparable à un homme qui acquiert de l’expérience et marche à son but de plus en plus directement. Grâce à ce nouveau type de loi, nous pouvons concevoir comme déterminées des relations que les sciences purement statiques laissaient indéterminées. Mais nous nous éloignons de plus en plus du type de la nécessité. Selon l’idée de nécessité, en effet, les natures des choses sont immuables, et les lois sont les rapports qui en résultent. Ici les natures des choses sont variables, et les lois unissent entre elles des termes toujours modifiés. Il y a plus : elles relient le moins parfait au plus parfait. Ce sont des lois de progrè