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disproportion qui est tout le contraire de l’harmonie et de la convenance. Toutefois la concurrence vitale elle-même suppose que chaque individu tend à vivre, à se développer, et emploie les moyens convenables pour atteindre à cette fin ; et l’hérédité, connue comme fait, est inconnue dans son principe, et a ce caractère remarquable d’assurer la perpétuité du type à travers la disparition des individus. Il faut prendre garde que la finalité peut très bien se produire en fait par des lois très générales et constantes. Mais l’objection principale que soulève le darwinisme, c’est qu’il présente une lacune. Il identifie la sélection naturelle avec la sélection artificielle. Or cette identification n’est possible que si les caractères accidentels utiles parviennent à un développement suffisant pour être utilisables. Au début, ils sont à peine marqués et sans nulle consistance. Qui les maintient et les accroît entre le moment où ils apparaissent pour la première fois et le moment où ils deviennent capables d’assurer la survivance des êtres qui les possèdent ? Tout ne se passe-t-il pas comme s’il y avait dans les êtres un instinct qui choisit plus ou moins confusément les moyens propres à assurer leur existence ?

Quoi qu’il en soit, le darwinisme reste un système principalement scientifique. Il ne prétend pas tout expliquer et être exempt de lacunes. L’évolutionnisme, au contraire, se présente comme un système complet, à la fois scientifique et philosophique, où la finalité doit être, d’un bout à l’autre, remplacée par le mécanisme. Le moyen employé, c’est d’établir entre tous les êtres une double relation de continuité et de causalité efficiente. C’est ce qu’on pense obtenir en se représentant l’échelle des êtres de la manière suivante : 1° Au bas est le protoplasma, doué d’irritabilité. Il se modifie sous l’influence des [100]