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sans cesse dans l’ordre général et même y concourt ; et partout et toujours la volonté du suprême Auteur de la nature et de tout ce qui existe est invariablement exécutée ».

D’où vient donc que l’on a pris l’habitude de lier à la thèse de la variabilité l’idée d’une causalité purement naturelle ? Il semble qu’il y ait tout d’abord à ce préjugé une cause assez futile. On lit dans la Genèse que les herbes et les arbres, les animaux et les oiseaux furent créés de telle sorte que chacun portât semence selon son espèce. On a pris ce texte au pied de la lettre, et on a établi une solidarité entre l’irréductibilité des espèces et la doctrine de la création. Dès lors, tenir pour la fixité, c’était admettre un créateur ; nier la fixité, c’était, en convainquant d’erreur scientifique l’auteur de la Genèse, ruiner les fondements de la métaphysique et de la religion. Toutefois l’opinion dont il s’agit repose aussi sur d’autres fondements. Les Grecs plaçaient la perfection dans l’immobilité ; et s’ils mettaient Dieu en dehors du monde, c’est parce que le monde, selon eux, était essentiellement sujet au mouvement. C’était donc une doctrine classique que celle qui rapprochait le fixe et le divin, et l’on conçoit que ce point de vue soit encore celui de beaucoup d’esprits. Cependant les modernes ont en général l’opinion contraire et exaltent le mouvement, la vie et le progrès, tandis qu’ils rapprochent l’immobilité de la stagnation et de la mort.

En somme, ni la fixité ni la variabilité, à elles seules, ne marquent ni n’excluent la finalité. Il faut déterminer de plus près les conditions de cette dernière, et voir si