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SOCRATE

physique sur la base de la morale socratique, on vit Fichte, Schelling et Hegel fonder sur la morale de Kant une nouvelle philosophie de l’absolu.

Un moment compromise par l’excès de ses prétentions, la science morale, en rentrant dans les limites que lui avait marquées Socrate, a, de nos jours, acquis une précision et une vitalité nouvelles. Nombreux sont, aujourd’hui même, ceux qui estiment que le temps n’est pas encore venu pour la morale, s’il doit jamais venir, de revêtir la même forme scientifique que la physique ou même les sciences naturelles, et que, néanmoins, la morale comporte autre chose que les particularités où se confine le moraliste ou les développements oratoires qui suffisent à l’homme d’action. La vérité sur ce point paraît être, aujourd’hui encore, que la morale a un domaine distinct, à savoir l’ensemble des faits moraux de la nature humaine, une méthode propre, à savoir l’induction et la définition qualitatives, et que, en s’enfermant modestement dans son domaine et en appropriant scrupuleusement ses moyens d’investigation à l’objet qu’elle étudie, elle peut atteindre, plus sûrement que par tout autre moyen, la double fin qu’elle a en vue la connaissance et la direction de l’activité humaine. L’homme dont les idées sont le plus vivantes dans la société contemporaine, c’est Socrate.