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employât de grands mots, savants et obscurs, dont le sens varie avec les auteurs, mais elles se contentaient de la langue commune, qu’elles permettaient de manier avec esprit et élégance. Pour toutes ces raisons, la philosophie écossaise s’est longtemps maintenue dans notre enseignement secondaire. En 1870, elle y dominait encore ; et aujourd’hui même, plus d’un père de famille, avec ce sens des mérites du passé qui caractérise les vieillards, se plaît à vanter devant les générations nouvelles, avides de science abstruse, les charmantes leçons qui ont ouvert son esprit au culte des choses morales, qui l’ont excité à penser sans le jeter dans l’indiscipline et le libertinage intellectuel, et qui lui ont laissé un cher et bienfaisant souvenir.

Ainsi se réalisa en partie le vœu qu’avait formé Charles de Rémusat, de voir la philosophie écossaise pénétrer dans la société et y répandre son esprit de liberté et de respect, de critique et de bon sens, d’observation sincère, d’adversion pour les systèmes, et d’attachement inviolable aux croyances instinctives de l’humanité.

Et cette éducation des esprits fut grandement profitable à la philosophie elle-même. À cette école se sont formés de solides ou brillants écrivains tels que Saisset, Barni, Barthélémy Saint-Hilaire, Jules Simon, Bersot, Franck, Caro, MM. Bouiller, Lévêque, Waddington, Nourrisson, Janet, dont récemment encore le professeur Flint présentait au public britannique le Traité des