Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publiciste, moraliste, historien et lettré, Charles de Rémusat, se donna pour tâche de répandre dans la société la philosophie nouvelle, encore confinée dans les écoles, et aussi de l’élargir et de lui ouvrir des perspectives sur tous les grands objets de la philosophie classique. Il se réclame expressément de Reid et de Royer-CoIlard. « Là, dit-il, est notre origine à tous. » Lui-même écrivit avec amour une excellente Vie de Reid. Dans ses Essais de philosophie, composés de 1829 à 1842, il dit qu’il prend pour chefs Descartes, Reid et Kant. Si Descartes a véritablement inventé la méthode philosophique des modernes, en plaçant dans le moi pensant le principe de la science, c’est Reid qui a commencé l’œuvre elle-même. Il n’a fait que les premiers pas, mais ce sont ceux qui sont les plus difficiles et qui importent le plus. D’ailleurs, il faudra toujours accorder à Reid ce qui est la base de tout son dogmatisme : l’existence de faits primitifs indémontrables. Sur cette même base, Rémusat, plus hardi que Jouffroy, ambitionne de réédifier la métaphysique. Il conteste, en particulier, cette doctrine écossaise, que, de notre âme, nous n’atteignons que les manifestations phénoménales. Il remarque que, par cette concession, la nouvelle philosophie a pu contenter Broussais, lequel, dans son Cours de phrénologie, trouve qu’elle débute assez bien. Il veut que l’observation aille plus loin ; que, dépassant l’analyse, elle arrive, par la réflexion proprement dite, à démêler les principes mêmes qu’enveloppent les