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432 ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

cipes de notre raison ont une valeur absolue ou ne valent que pour cette raison même. Il ne consent pas qu’avec les Écossais on écarte cette question en invoquant les croyances naturelles de l’esprit humain, et il conclut à l’irréfutabilité de l’idéalisme transcendantal de Kant.

Sauf ces deux critiques, Jouffroy oppose avec confiance la philosophie écossaise à la philosophie allemande, dont Victor Cousin est le champion enthousiaste. C’est seulement en marchant dans la voie ouverte par les Écossais que l’on pourra constituer la philosophie comme science.

Jouffroy trouva de zélés continuateurs dans Damiron, le moraliste et le prédicateur de l’école, puis dans Garnier, le patient observateur, plus avide de résultats solides que de brillantes théories. Ce dernier, appliquant scrupuleusement la méthode écossaise ; interrogeant, d’ailleurs, non seulement sa propre conscience, mais les poètes, les moralistes, les historiens, et même les animaux, a laissé, sous le titre de Traité des facultés de l’âme, un ouvrage modeste, mais substantiel, riche en fines et exactes analyses, notamment sur la puissance d’aimer, et d’une utilité durable pour tous ceux qui s’occupent de philosophie morale, à quelque école qu’ils appartiennent.

Ainsi s’établissait la suprématie de la philosophie écossaise dans le haut enseignement de la France. Un brillant écrivain, remarquable comme homme d’État,