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nise dans son ensemble d’après les principes qu’ils ont posés, et elle avancera, lentement peut-être, mais sûrement, en digne émule des sciences du monde physique.

Jouffroy n’adresse à la doctrine écossaise que deux critiques.

D’une part, il la trouve par trop circonspecte en métaphysique. Dugald Stewart veut que les questions relatives à la nature de l’esprit humain soient insolubles et étrangères à la science. C’est aller trop loin. L’humanité ne peut se désintéresser de ces questions ; et le matérialisme demeurerait légitime, au moins comme hypothèse, si l’on devait s’en tenir à l’assertion de Dugald Stewart. Nous saisissons ici une différence importante entre la philosophie écossaise et la philosophie française. La première n’a pas la prétention de suffire à l’homme. Elle ne forme pas l’âme écossaise : elle la suppose. Son caractère d’élévation morale, dit Mac Cosh[1], n’est autre chose qu’un reflet de la foi religieuse propre à la nation écossaise. Au contraire, le rationaliste Jouffroy voudrait trouver dans la philosophie les principes de vie morale qu’une expérience douloureuse ne lui permet plus de demander à la religion.

D’autre part, relativement à la question de la certitude, Jouffroy remarque que Reid et Kant, d’accord pour rétablir l’élément à priori dans la connaissance humaine, se séparent sur le point de savoir si ces prin-

  1. The scottish philosophy, etc., p. 303.