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l’œuvre de Reid. D’abord il se sort des armes forgées par Reid contre Hume pour réfuter Condillac. Puis il approfondit les conséquences de la distinction de la sensation et de la perception. Puisque l’âme met du sien dans la perception, c’est que son énergie propre est source de connaissance. Notre philosophe analyse les connaissances que l’âme se donne ainsi elle-même : causalité, substance, espace, durée, et travaille à rassembler ces connaissances en une synthèse rationnelle.

Royer-Collard n’enseigna que deux ans et quelques mois, et devant un public très restreint ; mais dans l’auditoire se trouvait une jeunesse curieuse et ardente, notamment les élèves de l’École normale appelés à devenir professeurs dans les lycées. L’effet de ces cours fut tout de suite considérable.

On eut avant tout, nous dit Jouffroy, le sentiment d’une délivrance. On étouffait alors dans la prison des systèmes. À peine une doctrine apparaissait-elle comme plausible, qu’elle était censée épuiser l’objet entier de la philosophie. Or, quand une philosophie quelconque a obtenu un tel ascendant, la philosophie elle-même est compromise : car la philosophie est la recherche de la vérité sur l’esprit humain, et, si la vérité tout entière est connue sur cet objet, il reste à l’enseigner, non à la découvrir. On respira, quand on entendit proclamer que tout système, en philosophie comme ailleurs, n’est qu’une barrière artificielle opposée à l’effort de l’intelligence. Une ère nouvelle parut s’ouvrir, ère de libre