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II

De fait, la philosophie écossaise était déjà enseignée à Genève par le professeur Pierre Prévost, et c’était en partie par lui que Degérando avait été renseigné sur cette philosophie. Prévost traduisit les Essais philosophiques d’Adam Smith (1797), et les Éléments de philosophie de l’esprit humain de Dugald Stewart (1808). Dans des Essais de philosophie qu’il publia lui-même en l’an XIII, il présente l’école écossaise comme l’héritière véritable de la méthode de Bacon touchant la science de l’esprit humain. Il loue l’exactitude scientifique de ses analyses, sa préoccupation de la pratique, son effort pour établir les règles de la morale par l’examen de la constitution humaine ; enfin, la forme à la fois sérieuse et élégante, naturelle, précise et parfaitement claire dont elle sait revêtir ses enseignements. « Il est difficile, dit-il, en se livrant au commerce de ces philosophes, de se défendre de quelque sentiment d’enthousiasme en leur faveur. »

Nous devions signaler ce premier essai d’introduction de la philosophie écossaise en France. Mais Prévost mélangeait, un peu au hasard, Reid avec Tracy et Condillac, et, de plus, son influence fut médiocre. Celui qui nous fit connaître la philosophie écossaise dans sa pureté et dans sa beauté, et qui excita parmi nous l’enthousiasme dont elle a été l’objet, ce fut Royer-Collard.