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pendants, mais à chercher, dans les conséquences pratiques, la pierre de touche de toute vérité philosophique.

Que cet état des esprits appelât, non seulement un progrès des doctrines existantes, mais la formation d’une philosophie nouvelle, c’est ce qui fut nettement indiqué, dès 1804, par l’idéologue Degérando lui-même, dans son Histoire comparée des systèmes de philosophie. Concilier la morale et les lumières, tel est, selon lui, le vrai but de la philosophie. Sans doute la philosophie doit être œuvre de raison, non d’inspiration ; mais il faut qu’elle satisfasse tous les besoins de la nature humaine. Nous croyons, déclare Degérando, la cause de l’expérience à peu près gagnée. Là est le principe et la règle inviolable. Mais il s’agit de tirer de l’expérience ce qui s’y trouve véritablement. Or l’expérience, prise dans sa totalité, contient, et des vérités premières spéculatives, fondement de notre science, et des vérités pratiques primitives et indépendantes, fondement de la morale. La raison du philosophe s’en tiendra donc, comme l’instinct du vulgaire, au témoignage de la conscience. Loin d’être humilié de cette rencontre, le philosophe « s’applaudira de trouver le principe de la législation qui doit diriger sa vie et assurer sa félicité dans les conditions fondamentales de sa propre nature, et il dira : Homo sum, humani nihil a me alienum puto ».

Telle est, dit Degérando, la philosophie qu’il s’agit de constituer. Mais n’est-ce là qu’un rêve, un souhait de l’imagination ? Si l’on y prend garde, cette philosophie,