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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

mands, entre autres, si préoccupés de découvrir les principes internes des développements historiques, se sont plu à démêler, dans les problèmes cartésiens, le point de départ de toutes les grandes questions agitées par les philosophes modernes. Ils ont vu, en particulier, dans le Cogito, le germe vivant d’où devait sortir, par une dialectique immanente, toute la floraison des grands systèmes qui ont paru jusqu’à ce jour. C’est ainsi que Kuno Fischer fait expressément, du cartésianisme et des antinomies où il s’engage en se développant, l’origine ou la condition nécessaire de l’occasionalisme de Malebranche, du monisme de Spinoza, de la monadologie de Leibnitz, du sensualisme de Locke, du matérialisme de La Mettrie, de l’idéalisme de Berkeley, du criticisme de Kant. Chez la plupart des historiens allemands de la philosophie on trouve des déductions analogues.

D’une manière générale, on peut dire que le problème central de la métaphysique cartésienne, c’était le passage de la pensée à l’existence. La pensée seule est indissolublement inhérente à elle-même comment donc, de quel droit et en quel sens pouvons-nous, dans nos jugements, affirmer des existences ? Il y a un cas, et un cas unique, où l’existence est immédiatement liée à la pensée dans l’intuition de l’entendement : c’est le cas où nous disons : « Cogito, ergo sum. » Comment et dans quel sens pouvons-nous étendre à d’autres existences la certitude que nous attribuons d’emblée à celle